Thanatorium Installation 2023
Thanatorium est un projet qui se compose d’un aquarium rempli d’eau, dans un environnement rappelant le laboratoire, repose une vertèbre de dauphin. Cette vertèbre a été personnellement récupérée lors d’un voyage sur les côtes d’Oman iel y a une quinzaine d’années, et conservée depuis. La lumière et l’eau rappellent évidemment le milieu dans lequel les dauphins évoluent, l’océan. L’aquarium, un objet servant à l’origine d’habitat artificiel à des espèces aquatiques (poissons, crustacées, algues...), placées dans un contexte domestique et décoratif, est ici subverti pour constituer une sépulture. La boîte qui devait contenir la vie en captivité se fait maintenant cercueil d’un.e individu.e mort.e iel y a bien longtemps. Exposer ainsi un os revient tant à proposer une installation qui rappelle le concept du memento mori qu’à critiquer la tendance anthropocentrée que nous avons de faire des autres formes du vivant des objets de décoration, des compagnons de vie enfermés. L’aquarium incarne parfaitement cette image de la cage : ayant des dimensions de quelques dizaines de centimètres carrés, elle contraste avec l’apparente infinité des étendues d’eau et de la mer.
De plus, les dauphins traversent une crise de la pêche actuellement sur les côtes françaises. Des centaines de ces mammifères marins sont pêchés abusivement, soit pour exploiter leur chair, soit par erreur, pris dans les filets. Ils sont ensuite retrouvés échoués, mutilés, sur nos plages. L’association Sea Shepherd s’insurge contre ces pratiques et les dénonce au sein d’actions militantes, exposant les cadavres sanglants des pauvres animaleaux, réclamant l’interdiction de la pêche dans certaines zones et une reconsidération des techniques de pêche afin de faire en sorte que les cétacés ne se fassent plus prendre dans les filets. Thanatorium s’érige ainsi en hommage à ces dauphins, faisant de l’aquarium un autel reliquaire au nom de toutes les victimes de la pêche. L’objet devient alors empreint d’une aura spirituelle, donnant à voir ce qui d’habitude ne se voit pas, une vertèbre d’une certaine taille, à l’origine à l’intérieur d’un.e animal.e qui ne partage pas notre habitat naturel. L’aquarium se fait vitrine d’exposition, à la manière d’un cabinet de curiosités, exposant l’os nu reposant dans l’eau comme la reproduction d’une scène marine. Le vestige de l’animal.e, par la mise en exposition, transcende sa condition mortelle pour renaître dans l’esprit des spectateurices, accédant à une forme de postérité artistique.
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